La filière laine

Depuis sa création en 1976, la filature Longo Maï, basée à Chantemerle dans les Hautes-Alpes, s’est engagé dans le maintien et le renouveau de la filière laine. Revaloriser la filière laine, c’est redonner à la laine de mouton, rendue désuete par les fibres synthétiques, ses lettre de noblesse. Considérée comme un sous-produit ou un déchet de la production ovine, la laine à perdue ses fonctions primordiales : vêtir, réchauffer et embellir. En lien avec différents collectifs engagés dans la revalorisation de la filière laine, la filature de Chantemerle contribue à faire renaître la laine à l’aide de circuits courts, réhabilitation ou maintien de races ovines locales et réappropriation des métiers de la laine qui menaçaient de sombrer dans l’oubli.

Du mouton au tricot : comprendre et maîtriser toute la filière laine

 

Pour les jeunes passionnés qui ont remis en route la filature de Chantemerle, il ne s’agissait pas seulement de reprendre en main une usine de l’industrie lainière à l’abandon. Les bergers de Longo Maï voulaient avoir une vue d’ensemble sur tous les éléments de la chaîne :

  • production ovine,
  • sélection des races lainières,
  • tonte et récolte de la laine,
  • tri et optimisation de la qualité de la fibre textile,
  • lavage des toisons,
  • cardage et filage
  • tricot et tissage de draps de laine,
  • confection de vêtements en pure laine vierge,
  • vente directe.

Maîtriser une filière, c’est surtout comprendre tous les acteurs et pouvoir harmoniser les besoins de chaque étape de la production lainière.

Focus sur la production de laine en France, en Europe et dans le monde

 

Le constat que nous avons fait, c’est celui d’une dévalorisation totale de la matière laine. Après une période industrielle textile florissante, la France a complètement dévalorisé et délocalisé sa production à partir de l’arrivée des fibres textiles synthétiques. Le Nord de la France a vu des centaines de filatures et d’usines textiles fermer ces 50 dernières années, et dans le Rhône ces 30 dernières années. Les machines ont été bradées et revendues en Chine ou en Inde et les fabriques textiles sont devenues de grands hangars vides, des friches industrielles.

Ce phénomène a également été observé à travers l’Europe. Seule l’Italie a continué à faire tourner de petites unités de production lainière. Elle est aujourd’hui un centre important de la filière laine en Europe.

Ces dernières décennies, le premier producteur de laine dans le monde était la Nouvelle-Zélande. Elle est devenue la référence de la production ovine industrielle, avec des troupeaux gigantesques et des pratiques d’élevage radicales et décriées : rentabilité oblige.

Aujourd’hui en France, la laine est encore considérée comme un déchet agricole. Les maquignons la rachètent à un prix dérisoire et la revende pour le marché chinois. Évidement, cette laine est souvent de qualité médiocre, car aucune sélection de qualité de fibre n’est effectuée par les éleveurs. Peu importe, les traitements chimiques auront raison de cette laine sans âme pour produire des vêtements jetables à bas prix.

Longo Maï fait partie des pionniers de la revalorisation de la filière laine

 

Conseillés par un des anciens bergers de Giono, les bergers de Longo Maï avaient de la poésie en tête : faire des belles choses qui ont un sens pour le cœur est devenu un fil conducteur. C’est la rencontre avec Christian Destouches qui a ajouté ce petit plus qui manquait pour une pertinence politique qui est encore aujourd’hui le moteur de notre activité.

Cet expert lainier a été un grand inspirateur pour la revalorisation de la filière laine en France et en Europe. Il a formé des centaines de tondeurs et d’éleveur à la compréhension de la matière laine, mais surtout à sa philosophie et à sa passion. Très vite, la filature de Longo Maï s’est associé à cet expert pour développer la filière, rencontrer des alliés et créer des circuits courts, essentiels à la survie des petites unités de production.

Revaloriser la laine : un élément clé de la survie des petits paysans

 

Faire monter le prix d’achat de la laine en suint était une priorité pour motiver les éleveurs à diversifier leur production et prendre soin de la toison de leurs moutons. C’est pourquoi nous achetons la laine aux producteurs à un prix que nous estimons correct. Le prix au kilo de la laine brute en 2019 était de 50 à 70 centimes en moyenne, un prix dérisoire qui ne permet même pas de payer le travail des tondeurs, qui demandent au minimum 1,50 € par bête (il y a en moyenne deux kilos de laine brute dans une toison de mouton).

Pour faire face à la concurrence internationale, seuls les circuits courts permettent de tirer un revenu intéressant de la production de laine.

Sauvegarder les races ovines rustiques et locales

 

Des centaines de passionnés ont redécouvert des races oubliées et on œuvré pour la revalorisation de leur laine. Chaque type de laine permet de produire des tissus particuliers. Si le Mérinos est la laine textile par excellence, les autres races locales permettent de réaliser des tapis (laine brigasque), des vestes, des pulls ou des capes, et même des yourtes, qui valorisent particulièrement la laine corse.

Comprendre et s’adapter à la technologie naturelle de la laine

 

En comparant les différentes toisons, on s’aperçoit que chacune a des propriétés uniques et exploitables. Il suffit de comprendre les principes physiques de la matière pour créer des objets adaptés à ses besoins. Comme pour le fromage, chaque terroir a créé des moutons uniques, adaptés à la végétation et aux saisons. Les vêtements confectionnés étaient issus des moutons, dont la laine était le fruit d’une attention particulière, probablement sélectionnée pour sa douceur et sa solidité. Certaines laines jarreuses, le jar est un poil creux, permettent de produire des vêtements étanches, alors que les matelas ont besoin d’une laine qui ne se tasse pas.

 

Les experts lainiers des cinquante dernières années ont redécouvert les spécificités de chaque type de laine et crée des usages modernes : yourtes, tapis, matelas, etc.